L’EUROPE FACE A L’INCERTITUDE AMERICAINE: VERS UN REARMEMENT STRATEGIQUE ET INDUSTRIEL
Domains: Défense Sécurité
Regions: Europe
Nations: OTAN

Dans le nord de la Pologne, à Redzikowo, une base américaine de défense antimissile intégrée au dispositif de l’OTAN a pour mission principale de contrer la menace représentée par les missiles balistiques russes Iskander, déployés à seulement 250 kilomètres dans l’enclave de Kaliningrad. Ce positionnement stratégique illustre les tensions croissantes à la frontière orientale de l’Alliance.

À l’approche du sommet de l’OTAN, qui vient de s’achever à La Haye, la Pologne et d'autres pays d’Europe de l'Est guettaient avec appréhension la position du président américain Donald Trump, notamment sur la pérennité de l'engagement des États-Unis au sein de l'Alliance. Finalement, Trump a rassuré les 31 membres en réaffirmant l’article 5 sur la défense collective et en restant jusqu’à la clôture du sommet. Mais en contrepartie, il a exigé une hausse significative des dépenses militaires européennes : 3,5 % du PIB de chaque État d’ici 2035, complétés par 1,5 % pour des dépenses civilo-militaires.

Cette injonction a précipité l’Europe dans une dynamique de réarmement massif. Dès 2024, l’Union européenne a activé deux instruments : une stratégie commune de défense (EIDS) et un programme de soutien à l’industrie de défense (EDIP). De grands groupes européens bénéficient déjà de cette relance : BAE Systems (Royaume-Uni) pour les sous-marins, Leonardo (Italie) pour les hélicoptères de combat, Airbus pour les avions militaires, Thales et Safran (France) pour les systèmes électroniques, Dassault Aviation pour le Rafale, ou encore Rheinmetall (Allemagne) pour les blindés.

L’Union mise aussi sur des projets industriels communs, comme l’Eurofighter Typhoon — fruit de la coopération entre le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne — ou le géant des missiles MBDA, copropriété de BAE, Airbus et Leonardo. Autre exemple, KNDS, l’entreprise franco-allemande qui développe la future génération de chars pour succéder aux Leclerc et Leopard 2.

Dans cette logique, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a lancé en mars 2025 le plan « ReArm Europe », un programme d’envergure de 150 milliards d’euros destiné à financer l’achat d’armements européens ou canadiens, et à stimuler 650 milliards d’euros d’investissements nationaux dans le secteur de la défense. Ces dépenses seront désormais exclues du calcul des déficits budgétaires.

Malgré des signaux de continuité transatlantique, l’Europe anticipe un retrait partiel des forces américaines du continent, comme l’a évoqué le Pentagone sans en préciser l’ampleur. Et si Donald Trump a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky en marge du sommet, il n’a promis aucune nouvelle aide militaire. Interrogé sur la fourniture éventuelle de systèmes Patriot à l’Ukraine, il s’est contenté d’une réponse laconique : « Nous verrons. Nous en avons besoin aussi, et nous aidons déjà Israël. »

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